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Comment aider les étudiants à mieux apprendre ?

jeu 11/10/2018 - 14:28 Ophélie CARRERAS

Voici une situation fréquente : lors d’une permanence de consultation de copie, une étudiante (ou un étudiant) vient voir sa copie, elle a eu une très mauvaise note : 2/20. Elle ne comprend pas, elle pensait avoir réussi, elle a bien travaillé son cours, elle le connait. D’ailleurs, en effet, ce qu’elle a écrit dans la copie n’est pas faux, mais cela ne répond pas à la question posée ou ne se conforme pas aux attendus. Comment cette étudiante a-t-elle travaillé durant l’année ? Comment s’est-elle préparée pour l’examen ? Etait-elle confiante avant l’examen ?

Un certain nombre de travaux (e.g. Karpicke et al., 2009) montrent que la stratégie de révision la plus fréquemment utilisée par les étudiants est la relecture des cours (84%), souvent de façon massée dans le temps (juste avant l’examen…), vient ensuite la réalisation d’exercices (seulement 43%). Or, la relecture est l’une des stratégies les moins efficaces pour l’apprentissage à long terme. Qui n’a pas également constaté la désertification des cours par les étudiants, les difficultés (voire l’absence totale) de prise de notes, les difficultés attentionnelles. Les étudiants montrent également parfois des difficultés à sélectionner l’information pertinente, à organiser les connaissances (et ne pas seulement apprendre une liste d’éléments isolés), à transférer ce qu’ils ont appris, etc.

Alors, comment fait-on pour apprendre ? Quelles sont les stratégies d’apprentissage qui permettent d’apprendre de façon durable et efficace ?

Les stratégies d’apprentissage peuvent être classées en fonction de leur « profondeur ». Weinstein & Mayer (1986) distinguent 3 types de stratégies principales : les stratégies de répétition (relire, recopier), qui sont les plus superficielles, les stratégies d’organisation (structurer, faire des schémas, des cartes conceptuelles), qui sont plus profondes, et les stratégies d’élaboration (créer des analogies, répondre à des questions, reformuler, créer des images mentales), qui sont encore plus profondes et qui incitent à créer du lien entre les informations à apprendre et les connaissances antérieures en mémoire. Bien sûr, plus les stratégies sont profondes, élaboratives, plus elles sont coûteuses en effort et plus elles sont efficaces sur la compréhension à long terme. Apprendre demande de l’effort !

Pour apprendre, il est donc préférable de mettre en place des stratégies élaboratives et génératives (« generative learning »), c’est-à-dire dans lesquelles l’apprenant est actif et construit les connaissances. Fiorella & Mayer (2016) proposent plusieurs stratégies qui favorisent cela (cf.une autre ressource sur le sujet) : résumer, construire un réseau conceptuel (mapping), dessiner, imaginer, se tester, s’expliquer à soi-même, enseigner à d’autres, mettre en action.

Dans leur excellent site « The Learning Scientists », Megan Sumeracki et Yana Weinstein présentent de façon claire et ludique comment les résultats de travaux de recherche sur l’apprentissage peuvent être utilisés en éducation. Elles proposent 6 stratégies pour un apprentissage efficace :

  • La récupération espacée : il est plus efficace de répartir son apprentissage en plusieurs courtes périodes dans le temps plutôt que de façon massée en une seule fois.
  • L’entrainement par la récupération (ou le testing) : de très nombreuses recherches ont montré que le fait de chercher à récupérer une information de mémoire, sans avoir de support sous les yeux est bien plus efficace sur l’apprentissage à long terme que la relecture des informations. Il est important de vérifier ensuite l’exactitude de ce que l’on a récupéré. Cette stratégie a montré de nombreux bénéfices sur l’apprentissage (cf. Roediger et al., 2011).
  • L’élaboration : se poser des questions, faire des liens, appliquer à ses propres expériences ou souvenirs, décrire et expliquer avec ses propres mots.
  • L’intercalage : alterner des sessions d’études de différentes matières (et y revenir) est plus efficace que d’étudier une matière totalement puis de passer à une autre.
  • Utilisation d’exemples concrets : chercher ses propres exemples, réfléchir à comment les concepts sont reliés avec les exemples donnés en cours.
  • Double codage : utiliser des illustrations visuelles et travailler les liens entre les textes et les images facilite l’apprentissage. Les travaux de Mayer (2002) sur l’apprentissage multimédia ont permis de définir un certain nombre de principes permettant l’amélioration de l’apprentissage.

Mais il n’y a pas que les stratégies mises en œuvre pour traiter l’information (stratégies cognitives) qui comptent, il y a aussi la façon dont les étudiants organisent leur travail, s’auto-évaluent, régulent leur apprentissage (les stratégies métacognitives). Si l’on s’intéresse aux façons d’apprendre des étudiants en réussite (McMillan, 2010), on voit qu’en plus des stratégies cognitives de mémorisation et d’organisation mises en œuvre (identification et répétition des principales idées d’un cours, capacité à résumer et paraphraser, organisation des idées dans une table des matières), on peut identifier d’autres stratégies. Ces étudiants ont un planning d’études, ils sont attentifs en cours et prennent des notes synthétiques, ils rédigent des questions à poser à l’enseignant, ils connaissent bien les exigences et modalités d’évaluation. Enfin, on constate également que ces étudiants accordent une valeur importante aux apprentissages académiques, ils pensent qu’ils sont compétents pour réaliser les tâches demandées, ils persistent dans les tâches et cherchent des solutions alternatives, leur but pour apprendre est la maitrise des connaissances, ce qui leur permet de voir les évaluations non comme des sanctions mais comme des étapes dans l’apprentissage. Ces derniers éléments renvoient bien entendu à la motivation

Ainsi, pour aider les étudiants à mieux à apprendre, on peut :

  • Encourager l’utilisation de stratégies cognitives d’apprentissage efficaces et adaptées.
  • Accompagner la planification de l’apprentissage, conduire les étudiants à se poser des questions sur leur apprentissage : estiment-ils avoir compris le cours ? que pensent-ils avoir appris ? Sont-ils certains d’avoir bien compris ? Comment feraient-ils pour améliorer leur compréhension ? Etre explicite sur les exigences et ce que l’on attend d’eux : que devront-ils savoir et savoir-faire à la fin du cours, comment seront-ils évalués ? En un mot : développer la métacognition.
  • Susciter et maintenir la motivation : se préoccuper de la valeur accordée et de l’intérêt pour les étudiants de réaliser les activités proposées (à quoi ça sert ? pourquoi j’apprends ça ?), varier les tâches et activités pour maintenir l’attention et l’engagement, proposer des choix aux étudiants pour leur permettre d’avoir du contrôle sur leur apprentissage, leur proposer des tâches « réalisables » de façon à maintenir le sentiment de compétence, leur donner du feed-back constructif et leur donner confiance en leur capacité à progresser.

Références :

Fiorella, L., & Mayer, R. E. (2016). Eight ways to promote generative learning. Educational Psychology Review, 28(4), 717-741

Karpicke, J. D., Butler, A. C., & Roediger, H. L. (2009). Metacognitive strategies in student learning: Do students practice retrieval when they study on their own? Memory, 17, 471-479.

Mayer, R. E. (2002). Multimedia learning. In Psychology of learning and motivation (Vol. 41, pp. 85-139). Academic Press.

McMillan, W. J. (2010). Your thrust is to understand – how academically successful students learn. Teaching in Higher Education, 15(1), 1.

Weinstein, C. and Mayer, R. (1986) The Teaching of Learning Strategies. In: Wittrock, M., Ed., Handbook of Research on Teaching, Macmillan, New York, 315-327.

Roediger, H. L., Putnam, A. L., & Smith, M. A. (2011). Ten benefits of testing and their applications to educational practice. In J. Mestre & B. Ross (Eds.), Psychology of learning and motivation: Cognition in education, (pp. 1-36). Oxford: Elsevier.

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